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Guerre Israël-Hamas : l’impasse des assassinats ciblés

Israël n’a pas revendiqué la responsabilité de l’assassinat d’un des principaux responsables du Hamas palestinien, Ismaïl Haniyeh, à Téhéran, mercredi 31 août. L’Etat hébreu ne l’a pas jugé nécessaire. Survenant quelques heures seulement après la frappe qui a tué, à Beyrouth, un haut responsable militaire du Hezbollah libanais, Fouad Chokr, en riposte à un tir sur une localité druze du Golan syrien, annexé unilatéralement par Israël, qui avait fait douze morts, cet assassinat ciblé a témoigné des capacités d’Israël à frapper ses ennemis où qu’ils soient. Que la capitale iranienne ait été le théâtre de cet assassinat ajoute l’humiliation au coup porté à l’« axe de la résistance » dirigé contre Israël et dont le régime iranien est l’architecte.
Cette élimination s’inscrit dans une longue pratique dont l’Organisation de libération de la Palestine a tout d’abord été la principale cible, avant sa reconnaissance d’Israël lors des accords d’Oslo, en 1993, qui a coïncidé avec l’émergence du Hamas et son recours massif au terrorisme. Il serait fastidieux de dresser une liste exhaustive de ces assassinats. Leur récurrence fait surtout apparaître en creux leur principale limite : des frappes tactiques ne font pas une stratégie.
Si celle visant Fouad Chokr s’inscrivait dans un cycle sinistrement classique d’attaque et de représailles, le bombardement qui a tué Ismaïl Haniyeh pose des questions. Le responsable du Hamas était en effet la cheville ouvrière, pour la milice palestinienne, des négociations interminables conduites sous l’égide des Etats-Unis. Elles visent à mettre un terme au bain de sang et à la destruction systématique de Gaza en cours depuis les massacres de civils israéliens, le 7 octobre 2023, et la libération des otages israéliens encore vivants capturés ce jour-là. Pressé une nouvelle fois, lors de sa visite à Washington, une semaine plus tôt, de parvenir à ce cessez-le-feu tant espéré, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a répondu à sa manière, au risque d’un embrasement régional.
Sur le fond, la conviction de l’establishment politico-militaire israélien demeure que ces assassinats ciblés permettent à la fois de protéger Israël et de gagner du temps. Les faits ne soutiennent pas cette analyse. Ils n’ont jamais empêché l’émergence d’une relève encore plus dangereuse : la barbarie déployée par la milice islamiste le 7 octobre le confirme. Ces éliminations sont devenues en fait une fin plutôt qu’un moyen, compte tenu de l’incapacité de Benyamin Nétanyahou à articuler la moindre solution au conflit israélo-palestinien qui ne parte pas de la négation des droits légitimes des Palestiniens à disposer de leur propre Etat.
Cette hémiplégie stratégique et l’obsession de la force produisent des effets délétères sur la société israélienne elle-même, qui se radicalise au fur et à mesure que la diplomatie et le compromis disparaissent. Le dernier exemple en date est l’assaut donné le 29 juillet contre deux bases militaires par des dizaines de militants d’extrême droite pour protester contre des poursuites engagées contre des soldats accusés du viol d’un Palestinien. Ces extrémistes étaient accompagnés par des députés du Likoud, le parti du premier ministre, et par des membres masqués de la Force 100, une unité de l’armée déjà accusée de maltraitance envers des détenus palestiniens. Un signal particulièrement inquiétant.
Le Monde

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